Top Gun 2: Faut-il aller voir la suite?

Conscience professionnelle oblige, on a revu le premier Top Gun, de Tony Scott, en compagnie d’une progéniture adolescente. Histoire de montrer que Docteur Strange et autres fadaises super-héroïques ne font pas le poids face à Tom Cruise, pilote de chasse, chien fou des années 1980. Bien mal nous en a pris. Le peu d’estime que nous porte la génération Z a pris un nouveau coup dans l’aile. La romance torride avec Kelly McGillis? Une nunucherie éroticokitsch. La rivalité entre Tom «Maverick» Cruise et Val «Ice Man» Kilmer? Une amourette cryptogay - les producteurs tenaient à avoir une scène dans les vestiaires: «On paye 1 million de dollars pour Cruise, on doit le voir dénudé.» Les scènes d’action spectaculaires? Trois petits tours en avion, deux appareils russes dézingués, et puis s’en va. Pourtant, en pleine guerre froide, cela a suffi pour faire de ce clip de propagande au service de l’armée américaine un film culte. Et de Tom Cruise, corps triomphant de l’Amérique néolibérale de Reagan, une star mondiale.

On ne sait pas comment Top Gun: Maverick sera perçu en 2057. En 2022, ça décoiffe. Cette fois, Tom Cruise et ses pilotes d’élite ont une mission à accomplir, sinon impossible, du moins périlleuse: détruire une usine clandestine d’enrichissement d’uranium dans un pays ennemi. Les séquences d’entraînement et la mission elle-même donnent le vertige. Loopings, «breaks» et autres attaques en cabré-piqué n’ont pas de secret pour Joseph Kosinski, réalisateur très à l’aise dans les airs (voir son Oblivion, déjà avec Tom Cruise). Sky is no Limit. Ces chorégraphies aériennes, aussi démentes soient-elles, ne seraient qu’un grand huit divertissant sans une dramaturgie habile.

Défier les horloges

Cruise, désormais instructeur, doit former «Rooster» (Miles Teller, le batteur masochiste de Whiplash) qui n’est autre que le fils de «Goose», son coéquipier mort accidentellement dans le premier Top Gun. Le jeune homme joue Great Balls of Fire au piano, comme son défunt père. Trauma et remords n’empêchent pas les plans iconiques de Cruise à moto, cheveux au vent, faisant la course avec un avion. «C’est le temps, votre pire ennemi», assène Maverick à ses troupes. Cruise continue de défier les horloges. Une partie de football américain sur la plage lui permet d’exhiber ses pectoraux. «Ce n’est pas l’avion qui compte, c’est le pilote», est son autre mantra. À bord d’un F-14, autre relique des années 1980, Cruise ne craint personne.

Top Gun: Maverick conjure la peur de vieillir, angoisse de la star hollywoodienne partagée par une bonne partie de l’humanité. Les retrouvailles entre Val Kilmer et Tom Cruise feraient presque verser une larme. On assiste à une belle accolade entre un corps immarcescible et un acteur diminué par la maladie. À Cannes, l’an dernier, le documentaire Val rendait hommage à cette autre star de la fin du XXe siècle (WillowThe DoorsHeat), rescapé d’un cancer de la gorge, aphone et souffrant. Cruise, lui, a encore du répondant. À Ed Harris, amiral en colère qui lui rappelle son obsolescence programmée («La fin est inéluctable, vous êtes voué à disparaître»), sa réplique fuse: «Peut-être mais pas aujourd’hui.» Aujourd’hui ne meurt jamais.

 


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