Pourquoi le prix de votre billet d'avion va t-il (inéluctablement) augmenter?
Alors que les frontières rouvrent peu à peu, la note risque d'être plus élevée que prévu. La faute aux conséquences de la crise sanitaire, mais pas seulement.
Prendre l'avion pourrait vous coûter un peu plus cher dès cette année. Malgré les espoirs d'une reprise du trafic en 2022, les répercussions de la crise sanitaire planent toujours sur l'activité du secteur aérien et devraient peser sur les voyageurs au moment de payer leur billet d'avion, et ce pour plusieurs raisons.
En premier lieu, la chute considérable des voyages d'affaires a un impact direct sur l'ensemble des prix des billets. Un retour à la normale pour les déplacements professionnels n'est toujours pas en ligne de mire, et certains assurent même qu'il n'arrivera jamais. L'an passé déjà, Bill Gates prédisait que 50 % des voyages d'affaires allaient disparaître. Plus optimistes, certains affirment que seuls 25 % des voyages long-courriers seraient perdus. Si le diagnostic est difficile, tout le monde reconnaît que le manque à gagner est colossal. Un constat qui aura un impact direct sur le prix des billets à usage touristique. «Les compagnies aériennes ont besoin de compenser cette perte et vont augmenter les tarifs des classes économiques pour cela», affirme Xavier Tytelman, spécialiste de l'aéronautique au sein du cabinet de conseil Starburst.
Des prêts à rembourser
Autre facteur qui risque de peser sur la facture, nombre de compagnies aériennes ont contracté des prêts garantis par l'État français au cours de la crise sanitaire et il faut à présent les rembourser. Le groupe aérien Air France-KLM a, par exemple, remboursé pour le moment 500 millions d'euros de l'encours de 4 milliards d'euros de son PGE. Air Austral a quant à elle reçu une «aide de sauvetage» de 20 millions d'euros décidée par l'État français à laquelle s'ajoutent des prêts totalisant déjà 100 millions d'euros. «Il va falloir qu'elles remboursent ces prêts et cela passera en partie par une hausse des prix pour les clients», selon Xavier Tytelman.
L'État a également accordé aux compagnies des avances de 300 millions au titre de 2020 et 250 millions pour 2021, afin de «préfinancer les missions de sécurité (et de) sûreté sur leur aéroport durant la crise sanitaire et la chute du trafic», avait rappelé l'année dernière le ministère chargé des Transports. Ces sommes «seront remboursées sur le produit de la taxe d'aéroport (TAP), c'est-à-dire sur le prix des billets d'avion qui sera acquitté par les passagers, en fonction du rythme de remontée en charge de l'activité aérienne», avait ajouté le ministère tout en précisant que ces avances «ne seront à rembourser qu'à partir de 2024» et leur remboursement sera lissé jusqu'en 2030.
«Une hausse des prix de 5%»
À cela s'ajoute la flambée des prix du pétrole. La tonne de kérosène s'établissait, ce vendredi à 878 dollars, en hausse de 68% sur un an. Et selon l'association du transport aérien international (Iata), bien que la hausse des cours du pétrole constitue «un indicateur positif» pour les compagnies aériennes parce qu'elle témoigne d'une reprise de la croissance de l'économie, elle devra néanmoins être en partie supportée par les voyageurs. Elles «ont subi d'énormes pertes au cours des derniers mois (et) il est donc impossible qu'elles puissent absorber cette augmentation : elle devra être répercutée sur les consommateurs et cela aura un impact sur les prix» des billets, a ainsi prédit le directeur de l'Iata, Willie Walsh.
L'achat du carburant est en effet le premier poste de coûts des compagnies aériennes. «Cela représente entre 20% et 30% de leurs dépenses», met en avant Xavier Tytelman, spécialiste de l'aéronautique, qui table sur une augmentation des prix des billets, en moyen-courrier comme en long courrier, aux alentours de 5%, mais majoritairement du côté des sociétés traditionnelles et non low-costs.
Car les compagnies aériennes low-costs sortent en position de force de la crise : «Les low-costs, qui étaient déjà dans une meilleure forme financière avant la crise que les “legacies”, ont encore creusé l'écart depuis 18 mois», souligne-t-il. Fin septembre, à la clôture de son exercice annuel, easyJet n'avait que 1,1 milliard euros de dette, contre encore 8,1 milliards pour Air France-KLM. «Un meilleur état financier qui leur permet au contraire de relancer la guerre des prix sur les billets d'avion», affirme Xavier Tytelman tout en précisant que «sur l'ensemble du marché aérien, la hausse des prix des billets réalisée par les compagnies aériennes traditionnelles sera en grande partie compensée par l'augmentation des parts de marché des sociétés low-cost et leurs petits prix». En effet, à titre d'exemple, alors qu'Austrian Airlines, filiale de Lufthansa, a annulé 3200 vols en novembre et en décembre à Vienne, Ryanair a assuré 2000 vols par mois dans la capitale autrichienne cet hiver, un niveau jamais atteint.
«Tout à fait inévitable»
Du côté d'Air France, interrogé par la BBC le 14 février dernier, le patron de la branche britannique d'Air France-KLM, Fahmi Mahjoub, juge effectivement que la hausse des tarifs est «tout à fait inévitable». «Je pense (donc) que l'on s'attend à ce que les billets d'avion deviennent plus coûteux à mesure que nous avançons» a-t-il expliqué, invitant les clients à «planifier plus tôt pour pouvoir éviter ces augmentations de prix». Les compagnies aériennes sont en effet adeptes du yield management, une méthode commerciale qui consiste à faire varier les prix en fonction de la demande des consommateurs. En clair, plus l'avion est rempli, plus les billets sont chers.
Cette pratique est plus susceptible de faire varier le prix du billet que le cours du pétrole, assure Air France. Contactée par le Figaro, l'entreprise le répète : « Le cours du pétrole évolue en permanence donc évidemment c'est un poste de dépenses très important mais qui est intégré dans nos coûts. Il n'y a pas de corrélation entre le prix du carburant et celui des billets», ce dernier étant «défini par l'offre et la demande». La compagnie aérienne justifie davantage les hausses de tarif par l'utilisation d'un carburant d'aviation durable. Les prix ont ainsi augmenté depuis le 10 janvier de 1 à 12 euros sous la forme d'une «contribution ''carburant aviation durable''» afin de compenser une partie du surcoût de l'utilisation de ce carburant destiné à réduire les émissions de CO2.
Enfin, l'engagement pris, en octobre 2021, par les compagnies aériennes européennes pour atteindre la neutralité carbone en 2050 va coûter, même aux consommateurs. Cette promesse ne pourra effectivement pas être tenue sans la réalisation de nombreux investissements et la participation des consommateurs, à travers des billets d'avion plus chers. «Le prix du billet d'avion va augmenter de manière structurelle d'environ 1% par an dans les prochaines années, autant chez les compagnies low-cost que traditionnelles, pour intégrer les coûts liés à un transport plus durable», explique Xavier Tytelman. Même son de cloche du côté de Jean-Louis Baroux, ancien président d'APG et expert aérien : «Cette augmentation des prix sera forcément liée aux nouvelles contraintes écologiques».
L'augmentation des prix des billets d'avion est donc vouée à s'installer de manière durable, même si elle est aujourd'hui amplifiée par les conséquences de la crise sanitaire sur le secteur aérien.
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